Dans la boue d’un dimanche

Ce n’est pas un texte qui bousculera l’Ordre établi mais qui doit se contenter de mêler nostalgie, un peu de vécu, un rappel des conditions de vie des milieux ouvriers à certaine époque et, peut-être, de restes de moments construisant un être humain. Allez savoir...
(Après avoir terminé le texte, je me dois de rendre à César ce qui appartient…à Jean, sympathique grande gueule sachant accoucher de formulations cocasses et qui, pour critiquer ce que prétendait avoir vu certaine personne, affirmait, péremptoire : « qu’est-ce que tu veux qu’il ait vu, il a un oeil qui regarde Martigues et l’autre le Cap Janet (de Marseille) ». Plus joli que « bigleux » quand même. Merci Jean.)
 
Dans la boue d’un dimanche

c.gif’est dans la boue d’un dimanche
Qu’ayant laissé de bon cœur
La famille en nappe blanche
Se raconter ses liqueurs,
J’avais traîné mes coliques
A l’heure où l’après-midi
Est déjà mélancolique
De s’en aller vers lundi

C’est dans la boue d’un dimanche
Qu’elle s’était affalée
Que j’avais connu ses hanches
Qu’elles m’avaient emballé
J’avais senti sous la robe,
Plaquée par la pluie salie
Tout ce que robe dérobe
J’en avais un peu pâli

C’est dans la boue d’un dimanche
Pataugeant dans notre émoi
Découpant nos mots en tranches
De silence, qu’elle et moi
Avions parcouru la ville
En essayant de choisir
Des trajets secrets, tranquilles
Pour faufiler nos désirs

C’est dans la boue d’un dimanche
Qu’elle m’avait régalé
Moi, j’étais con comme un manche
Et elle était le balai
On avait trouvé la planque
Sous l’usine à gaz, un tronc
Près de l’égout, sans que manque
Le parfum des vieux estrons

C’est dans la boue d’un dimanche
Qu’éperdus on s’est aimé
Dans son regard de pervenche
J’étais bien un peu paumé :
Un œil regardait Martigues
Et l’autre le Cap Janet
Sur son nez, comme une figue
Une verrue bourgeonnait

C’est dans la boue d’un dimanche
Qu’elle avait emmené
Là-bas où le cœur se penche
Sur nos pulsions mal-menées
Si j’avais cherché à feindre
Une virile instruction
J’étais à cent lieues d’atteindre
Sa savante érudition

C’est dans la boue d’un dimanche
Que l’on avait rajusté
Nos culottes du dimanche
On y voyait tout juste et
Revenus dans la lumière
A l’abri du vieux lavoir
Pleins de merde et de poussière
On n’était pas beaux à voir

C’est dans la boue d’un dimanche
Que j’ai largué ma beauté
Mal arrimée à ma manche,
Regardant de tous côtés
De peur qu’on ne me repère
Avec la fille sans nom
La si vilaine, peuchère
Qui n’avait jamais dit non

C’est dans la boue d’un dimanche
Que j’ai voulu l’oublier
Scellant d’un silence étanche
Ce grain de mon sablier
Dès le lundi, mâle ordure
Tout fier d’être amariné
En croisant mon aventure
J’ai tourné, un peu, le nez

Ne ris pas de ce dimanche
Car aujourd’hui, plus d’un jour
Je voudrais bien, qu’en revanche
Ce jour-là soit chaque jour
Dans le grenier de mes rêves
Il a la malle d’honneur
Où, certains soirs, je soulève
Des poussières de bonheur

A dimanche
A dimanche…

Marius Vinson
 


12/11/2020
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