Impact de l’exploitation des hydrocarbures de roches mères sur les ressources en eau au Sahara septentrional

 

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Publié par Marc Durand ,  le vendredi 28 novembre 2014

Dans ce billet de décembre 2014, je me permets de commenter un rapport du BAD (Banque Africaine de Développement) qui traite du sujet bien d'actualité: Le gaz de schiste et ses implications pour l'Afrique et la Banque Africaine de Développement.

Le rapport contient des tableaux de données et des estimés qui sont essentiellement basés sur desétudes du bureau américain EIA (Energy Information Administration) de 2011 et 2012. Elles ont été reprises dans un texte de la firme Ernst and Young 2012 intitulé Natural Gas in Africa. Ces analyses reflètent une vision d’économistes et pas nécessairement celle de géologues et encore moins d’ingénieurs. En faisant ainsi un survol de données compilées par l’agence américaine (EIA*), le rapport de la Banque Africaine de Développement tente d’analyser dans le contexte africain la signification éventuelle des quantités de gaz estimées en place pour les économies des divers pays d’Afrique.

À juste titre, ce rapport énumère les problèmes liés à l’étape de l’exploration et de l’exploitation : la question des grandes quantités d’eau requises pour la fracturation dans le contexte fort différent en Afrique du Nord où la ressource en eau est cruciale pour bien d’autres aspects de l’économie, pour l'agriculture notamment. La question des risques de pollution des ressources en eau y est analysée sommairement, de façon incomplète, car ce rapport traite de quelques risques (1 à 5 ci-dessous) avec un point de vue et avec des arguments parfois très proches de ceux que l'industrie véhicule aux USA. Cette "vision" appliquée en Afrique du Nord y serait absolument catastrophique. Nous expliquerons pourquoi dans cette analyse.

Les risques analysés dans le rapport BAD:

1- Déversements accidentels en surface de produits chimiques et d’eau de reflux. 

2- Fuites au travers de la colonne de ciment des puits; le BAD précise « Ce risque peut être atténué en suivant les meilleures pratiques dans le domaine de la conception et de la construction de puits et en veillant notamment à ce que l’étanchéité en ciment soit réalisée correctement ». On a dit cela au Canada, aux USA aussi, et pourtant les fuites sont omniprésentes, même dans les puits les plus récents. Ce que l'industrie se donne comme les meilleures pratiques ne permet absolument pas d'empêcher les fuites de se produire; elles sont même inévitables à moyen et long termes dans les puits vieillissants.

3- Fuite dans le roc fracturé vers les nappes; là aussi le rapport reprend un énoncé omniprésent dans les documents des promoteurs: « Ce risque est en général peu probable car les couches de schiste se trouvent souvent à des profondeurs de 1000 à 3000 mètres » et plus loin une autre affirmation du même type: « une bonne connaissance de la géologie locale permet de détecter les endroits où l’étanchéité de la roche n’est pas parfaite ». Il est impossible de connaître avec tout le détail requis l'ensemble des failles et des fractures qui constituent sous terre des ensembles complexes affectant l'étanchéité du roc. On cartographie surtout les grandes failles reconnues en surface; en profondeur les relevés sismiques ne peuvent que donner une image très simplifiée du substratum, jamais le détail des fractures individuelles. Les deux affirmations que j'ai cité ici en italiques sont fausses.

4- Déversement d’eau polluée dans les eaux souterraines. « Ce risque est potentiellement le plus grave, mais il peut aussi être facilement règlementé » dit le BAD. L’effet d’une règlementation ferait disparaitre le risque? C’est de la pensée magique! Les risques ne disparaissent pas ainsi et l’application d’une règlementation visant ce qui se passe en termes d’écoulement souterrain est en pratique impossible à mettre en oeuvre, car les moyens requis pour l’inspection et le suivi des écoulements souterrains seraient si considérables qu’ils ne sont jamais mis en œuvre, même dans des pays riches comme les USA et le Canada.

5- On traite aussi du risque sismique, lequel n’est pas vraiment lié à la fracturation hydraulique en tant que tel; c’est un risque qui existe pour une activité périphérique de cette industrie, celle de la disposition des eaux de fracturation par l’injection profonde dans le substratum.

Omission de taille Le rapport du BAD comporte une omission de taille: ce qu'il adviendra des puits et du schiste fracturé une fois passée la courte période de l'exploitation. Le processus de migration du gaz va se poursuivre bien après. La cimentation des puits va se dégrader dans le temps; cela va mener à des fuites qui vont avoir un impact permanent sur les nappes et l'atmosphère. Nous avons analysé les mécanismes et les conséquences de cette dégradation dans le billet du mois de novembre.

Le contexte très particulier des ressources en eau d’Afrique du Nord rend très problématique l’exploitation éventuelle des hydrocarbures de roche mère, car cela menace de façon directe une ressource bien plus importante, celle des nappes souterraines. La figure ci-dessous donne une vue oblique des nappes du Sahara septentrional; on y retrouve deux regroupements de couches aquifères désignées ainsi : CT(Complexe Terminal) et CI (Continental Intercalaire). Ce système hydrogéologique est bien documenté et décrit avec précision dans le rapport Système aquifère du Sahara septentrional, SASS/OSS, 2012.

 

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Lire la suite sur nofrackingfrance.fr

 



14/03/2015
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