L'école du laxisme, c'est l'école qui creuse les inégalités au lieu de les réduire.


"L'école du laxisme, c'est l'école qui creuse les inégalités au lieu de les réduire. Les 1eres victimes : les enfants des milieux modestes" N. Sarkozy le 03/03/2012.

 

Voila une phrase qui me met en rage. Mais de quoi parle cet homme. Enfermé depuis toujours dans les palais de la République après les douillets appartements du 16ème, sait-il seulement de quoi et de qui il parle ?

 

L’école du laxisme ! J’aimerais bien qu’il développe cette idée. Si tant est que l’on puisse appeler cela une idée. L’école laxiste, c’est son école, c’est son refus de lui donner les moyens de sa mission, l’école laxiste c’est l’école assommée de tant de réformes contradictoires, de tant de ministres incompétents. L’école laxiste, c’est celle qu’il a construite avec ses amis depuis des lustres, laxiste dans le sens où elle a laissé faire, laissé se perpétuer une société de l’entre soi. Oh il a bonne mine à dénoncer le laxisme de l’école.

 

Mais lui, et tous les gouvernements de droite, qu’ont-ils fait pour l’école, pour les enfants du peuple, les enfants les plus défavorisés ? Qu’a-t-il fait sinon laisser pourrir les situations quand il ne les favorisait pas.

 

Je suis furieux car en attaquant l’école, il attaque ses enseignants. Il faut dire que la bourgeoisie travaille depuis très longtemps au démantèlement de l’école publique, à l’élimination progressive de ses enseignants. « Les hussards de la république » deviennent gênants. Tous ces empêcheurs de penser en rond, lui il dit « passéistes », tous ces maîtres qui chaque jour mouillent la chemise pour justement sortir de l’ornière tous ceux que son système y a plongés.

 

Il nous parle des enfants de milieux modestes… Que connaît-il des milieux modestes à part des lieux communs, des statistiques. Je suis en rage. En rage car s’attaquer à l’école, c’est s’attaquer au dernier pilier de la résistance à l’envahissement de la société par le libéralisme.

 

Je suis sensible à cette attaque pour une raison bien simple : toute ma carrière s’est effectuée dans l’enseignement, 30 ans de direction d’école primaire dans une école de ZEP (Zone d’Education Prioritaire). Alors, je voudrais rappeler à Mr Sarkozy que les ZEP sont une création du premier gouvernement de l’union de la gauche, sur proposition de Monsieur Alain Savary, le premier politique à avoir osé dire qu’il « fallait donner le plus à ceux qui avaient le moins ». A cette époque ce slogan avait soulevé l’indignation de la droite qui parlait d’inégalité… C’était gonflé non ?

 

30 ans Monsieur Sarkozy au service des plus démunis, des plus fragiles. Trente années à encourager, soutenir, aider, motiver, sortir de la grande difficulté. Trente années à assister aux agressions répétées des pouvoirs pour déstabiliser l’école et ses enseignants, trente ans de reculades camouflées en réformes.

 

« Pourquoi tant de haine ? ». La raison en est simple. La structure sociale des enseignants (surtout du premier degré) ne convenait pas à la bourgeoisie. Les conditions de recrutement et de formation en avaient fait « un corps de gauche ». Oui pourquoi s’en cacher. Nous étions les purs produits de l’ascenseur social. Majoritairement issus de milieux ouvriers artisans et petits fonctionnaires, nombre d’entre nous avaient une conscience aigüe des facteurs sociaux qui président aux destinées du monde.  N’oubliant pas d’où nous venions, nous avions à cœur d’œuvrer pour qu’aucun enfant ne reste sur le bas côté. Conscience de classe, on peut le dire, conscience que nous avions une mission. Aujourd’hui, avec les réformes successives et la « masterisation » du métier, la base sociale du corps enseignant a été profondément modifiée. Ce que toutes les autres réformes n’avaient pas pu faire, la sélection par le diplôme l’a réussi. Aux dernières présidentielle Sarkozy était arrivé en tête dans le premier degré. L’école a certainement perdu sa force de résistance, ses convictions.

 

Cette phrase est donc une honte. Monsieur Sarkozy rêve d’une école bourgeoise et parle des pauvres. Je ne sais pas pourquoi, mais ce mot dans sa bouche résonne comme une insulte. Je ne lui reconnais pas le droit de parler des gens défavorisés et de leurs enfants. Quand on conduit des politiques qui génèrent de la misère, on ne vient pas faire semblant de s’en préoccuper en mettant la faute sur le dos de ceux qui œuvrent chaque jour pour  en limiter les effets !

 

Quand il parle de « l’école du laxisme », je me sens insulté, renié dans tout ce que les enseignants ont pu faire pour protéger des enfants des conséquences de son « œuvre » et de celle de ses pairs.

 

Pour terminer, je voudrais demander au président qu’il me reprécise donc qui a été laxiste. L’Etat qui a nommé 28 ministres de l’Education nationale en 30 ans ? Chacun avec sa réforme bien sur, parfois en contradiction avec celle de son prédécesseur. Les conseillers à la mode qui testaient leurs théories fumeuses sur notre dos ? Ne lui en déplaise, ce ne sont pas les enseignants qui ont été laxistes. Ils se sont souvent battus bec et ongles contre ce qui leur paraissait aller contre l’intérêt des enfants.

 

Que chacun soit vigilant, même s’il est de mode, dans le discours libéral, d’accuser les enseignants de tous les maux, l’école à laquelle rêve ce président se fiche pas mal des pauvres et des élèves en difficulté. Continuons à stigmatiser le corps enseignant, continuons de les regarder comme de joyeux fainéants gauchistes et nous nous réveillerons un jour avec une école à l’américaine. Les pauvres n’échoueront plus, ils n’iront plus à l’école.

 

 



03/03/2012
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