La Tiers-Mondialisation de la planète (Bernard Conte)


https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/l_6657445.gifa Tiers-Mondialisation de la Planète. Comment en sommes-nous arrivés à parler de Tiers-Mondialisation de la Planète? Ce mal censé être éradiqué grâce au développement des pays du « Sud » qui devait permettre la convergence économique avec les pays du Nord. L'économiste Bernard Conte se propose d'expliquer ce concept, caractéristique des pays en voie de développement, qui génère une croissance exponentielle des inégalités. Ce phénomène est d'autant plus inquiétant qu'il gagne du terrain tel un cancer. Certains pays européens comme la Grèce commencent à en prendre le chemin. Demain ce sera certainement la France. Afin de le combattre efficacement, il importe donc d'en comprendre les racines et les objectifs.

Bernard Conte s'attache à distinguer les différences historiques de structures sociales entre les pays du Nord et ceux du Sud. Ainsi le modèle fordiste, dont l'idée fondamentale consistait à vendre des voitures aux ouvriers qui les fabriquent, a permis l'émergence d'une classe moyenne nombreuse au Nord.

A l'inverse l'organisation sociale des pays du Sud se basait sur l'exploitation d'une main d'œuvre composant l'immense majorité de la population et offrant des profits élevés à la minorité de la population détentrice de la majeure partie des capitaux.

La période que l'on connaît en France sous l'appellation des « trente glorieuses » a affirmé ce nouveau mode de société en offrant une amélioration continue du niveau de vie grâce au fameux « ascenseur social » qui donnait la possibilité à de nombreuses personnes issues des classes populaires de rejoindre celle des classes moyennes. De plus, l'instauration de l'Etat providence a offert un système de protection sociale et de services publics ayant contribué à une hausse du pouvoir d'achat des travailleurs au détriment des profits des détenteurs du capital.

Dans le même temps, profitant d'une plus large autonomie accordée par les pays du Nord, dont la consommation intérieure suffisait à leur apporter une croissance forte, les pays du Sud ont pu se concentrer sur le développement intérieur de leur pays, notamment grâce à des politiques d'industrialisation tournées vers le marché intérieur. Ces politiques d'indépendance économique vis à vis des pays du Nord avaient commencé à porter leurs fruits: un rattrapage économique pouvait commencer à être envisagé et un embryon de classe moyenne avait même pu voir le jour, notamment en raison de politiques nationalistes clientélistes des Etats.

Bernard Conte estime que ces politiques d'inspiration keynésienne ont pu voir le jour grâce au contexte de guerre froide où les élites occidentales étaient disposées à offrir une plus large part de la valeur ajoutée au travail afin d'éviter un basculement des pays occidentaux vers le communisme.

Malheureusement la crise des années 1970 matérialisée par l'incapacité du keynésiannisme à résoudre le problème de la stagflation ainsi que l'affaiblissement de la menace communiste vont provoquer un retour en force du néo-libéralisme.

En s'appuyant sur la crise d'un système keynésien affaibli, les néo-libéraux vont utiliser les médias et les experts pour favoriser le retour de leurs thèses qui préconisent un affaiblissement du rôle de l'Etat. Ainsi sous l'influence de Milton Friedman et de l'école de Chicago, ils vont convaincre l'opinion de la nécessité de libérer les profits grâce à des politiques de déréglementation, de privatisation et de financiarisation de l'économie. La lutte contre l'inflation devient leur principal cheval de bataille. De telles mesures provoquent un renversement total des rapports de force en faveur des rentiers et des élites au détriment des travailleurs et des classes moyennes.
La mise en place de ces politiques monétaristes va être facilitée par le consensus de Washington. Les pays du Sud, qui ont eu des difficultés à s'adapter à la dégradation des conditions extérieures liées à la crise des années 1970 et à un excès de politiques clientélistes,  subissent un endettement croissant nécessitant une aide extérieure. C'est à ce moment là que le piège se referme, puisque les Institutions Financières Internationales (IFI) telles que le FMI ou la Banque Mondiale viennent au secours des pays en difficulté à la condition expresse de respecter leurs recommandations, qui sont bien évidemment d'inspiration monétariste. C'est de cette façon que la conversion des pays du Sud  au néo-libéralisme s'est opérée.

En ce qui concerne les pays du Nord, la mise en place du néo-libéralisme a connu plus de difficulté en raison de résistances politiques qui ont empêché son application complète.

Afin de contourner cette incapacité à convertir pleinement le Nord et de répondre aux multiples critiques d'associations anti-mondialistes ou alter-mondialistes sur l'inefficacité des politiques imposées au Sud, le néo-libéralisme a été contraint d'évoluer pour s'adapter aux nouvelles circonstances économiques tout en conservant les mêmes objectifs.

Une version corrigée du consensus de Washington a été proposée, le post-consensus de Washington, qui va imposer la nouvelle version du néo-libéralisme: l'ordo-libéralisme. Dans cette optique une auto-critique de façade, largement médiatisée mais ne remettant pas en cause les fondements, va être effectuée au sein des institutions financières internationales. Mais ne nous y trompons pas l'objectif de l'ordo-libéralisme est de conserver les acquis du néo-libéralisme et d'accroître son rayonnement.

Dans cette optique, l'ordo-libéralisme va s'attaquer à son principal obstacle : la démocratie. Profitant de la caution « scientifique » offerte par les développements des sciences économiques tels que la croissance endogène ou la nouvelle micro-économie, les tenants de l'ordo-libéralisme vont parvenir à convaincre l'opinion que certaines règles doivent être respectées pour atteindre la prospérité économique et que la démagogie des dirigeants politiques crée des distorsions qui empêchent le suivi constant de ces règles. De cette façon, ils parviennent à faire croire aux citoyens que leur vision est neutre et qu'il n'existe pas d'alternatives crédibles. Les peuples vont alors se laisser persuader de la nécessité d'inscrire dans la constitution des règles ordo-libérales qu'ils considèrent comme impartiales alors qu'elles ne le sont pas.

Dans un tel système, les élus du peuple se transforment en pantins chargés de veiller à la stricte application du système ordo-libéral. Le peuple continue à voter mais la démocratie devient virtuelle puisque quel que soit le choix des urnes, les marges de manœuvre sont trop imitées pour pouvoir agir sur la politique du pays. Il s'agit alors d'un véritable « hold-up » pour ne pas dire « coup-d'état ».

L'ordo-libéralisme reconnaît certaines inefficiences de l'Etat, auxquels ce dernier doit pallier afin d'assurer une concurrence libre et non faussée.  Il conserve un rôle minimal qui se borne à faire respecter les lois et à veiller à la bonne application de l'ordo-libéralisme grâce à une « gouvernance » performante. Ces aspects de reconnaissance d'un soi-disant rôle de l'Etat et d'une politique économique considérée comme neutre facilitent l'acceptation de l'ordo-libéralisme par les citoyens.

En réalité, il en résulte une voie ouverte pour une croissance infinie des profits qui ne bénéficient qu'à une minorité pendant que l'immense majorité se paupérise. C'est ce phénomène que Bernard Conte qualifie de Tiers-Mondialisation de la planète.

 

 

Theux

 




12/04/2012
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