Non, il n'y a pas que la France qui résiste au gaz de schiste...

 

Arrêt de l’exploration en Suède et en Autriche

ExxonMobil n’est pas la seule major à avoir stoppé des projets d’exploration. Shell en a fait autant dans le Sud de la Suède, sur le shale d’Alum, à la fois en raison de résultats mitigés sur trois puits explorés et de la mobilisation locale autour du collectif Heaven or sHell. En Autriche, l’entreprise nationale OMV vient d’en faire autant pour des projets situés dans le Nord-Est de l’Autriche, dans la région du Weinviertel. Officiellement en raison de l’introduction d’une nouvelle loi qui rend obligatoire une étude d’impact environnemental avant la réalisation de tout projet de forage. OMV en a conclu que « ça ne valait pas la peine ».

Sans préciser que les résistances locales avaient suscité plusieurs décisions d’interdiction de travaux de la part de communes de la région (Herrnbaumgarten et Poysdorf par exemple) et que le ministre autrichien de l’environnement avait lui-même déclaré que « le gaz devrait rester dans les roches » et qu’il était «absolument contre la production de gaz de schiste » tant « l’exemple américain montre que les effets sur l’environnement peuvent être désastreux ».

 

L’Allemagne craint la contamination des nappes phréatiques

Dangers que le ministre fédéral allemand de l’environnement (BMU), Peter Altmaier, Ministre fédéral de l’environnement (BMU) vient de reconnaître lors de la présentation d’un rapport officiel jugeant les composants chimiques utilisés pour la fracturation hydrauliques comme « dangereux, toxiques et dommageables pour la santé et l’environnement », faisant craindre une contamination des nappes d’eau potable. Tous les travaux sont actuellement stoppés en Allemagne, la Rhénanie du Nord Westphalie a adopté un moratoire, et les collectifs citoyens s’organisent.

Le premier rassemblement des collectifs allemands contre la fracturation hydraulique et l’exploitation de gaz non conventionnel s’est tenu le 25 juin dernier à Lünne en Basse-Saxe, avec une représentation de l’ensemble des collectifs, venus, outre de Basse-Saxe, de Rhénanie-Westphalie, de Hesse, Thuringe et Bavière. Leur résolution prévoit une nouvelle action lors du prochain congrès européen sur l’exploitation gazière qui se tiendra en Allemagne. Par ailleurs, de nombreuses communes, comme Hagen, essaient de bloquer l’acquisition de terrains par les entreprises gazières.

 

Danemark, Pays-Bas, Espagne, Irlande, Suisse : garanties sans fracking ?

Ailleurs en Europe, ça bouge également. Un moratoire est maintenu jusqu’à fin 2013 au Danemark alors que les Pays-Bas ont décidé de stopper toute activité et tout octroi de nouveau permis, jusqu’à ce qu’une enquête « indépendante » délivre ses conclusions. En Espagne, des collectifs citoyens se sont créés dans les régions de Burgos, Cantabrie et pays basque, régions concernées par les projets d’extraction. Une pétition est en ligne pour demander l’interdiction de la fracturation hydraulique, et de nombreuses manifestations, notamment à Santander et Vitoria le 6 octobre, sont prévues.

Idem en Irlande où les projets d’exploration ne laissent pas insensible une population très attachée à la qualité de son eau et de ses paysages. Ce qui suscite une mobilisation imaginative, car outre une pétitionet des réunions publiques d’information, les citoyens mobilisés ont décidé de créer un logo « garanti sans fracking » à apposer sur tout ce qui provient des régions où les projets d’exploration et d’exploitation sont stoppés. En Suisse, les cantons de Fribourg, de Vaud ou encore de Genève ont suspendu les forages et/ou la délivrance de tout permis de recherche, tout en s’inquiétant des permis et projets côtés français.

 

Les secousses sismiques suspendent les projets d’extraction du Royaume-Uni

Quant au Royaume-Uni, si le gouvernement est extrêmement favorable à l’extraction d’hydrocarbures – l’imposition sur les entreprises pétrolières et gazières a été réduite par le nouveau gouvernement et le Premier Ministre David Cameron vient de nommer un ministre de l’environnement favorable à l’exploitation des gaz de schiste – les travaux sont actuellement bloqués suite à des secousses sismiques causées par la fracturation hydraulique dans la région de Blackpool (Lancashire) menée par Quadrilla Resources.

Par ailleurs, les promesses d’extraction sont des plus réduites. Les groupes et ONG écologistes, pour certains regroupés dans une coalition nationale, sont farouchement opposés à toute exploitation, faisant notamment remarquer, sur la base d’une étude de scientifiques du Centre Tyndall de recherche sur le climat, que l’exploitation des gaz de schiste ruinerait les objectifs du Royaume-Uni en termes de réduction de gaz à effets de serre et de lutte contre le réchauffement climatique.

 

Revers en Afrique du Sud et en Argentine

Bien-entendu, il n’y a pas que des bonnes nouvelles pour les anti-gaz de schiste. Ainsi en est-il de larécente décision du gouvernement d’Afrique du Sud de lever le moratoire qui tenait depuis plus d’un an. Effectuée sur la base d’un rapport rédigé par un groupe « d’experts » favorables à l’extraction et longtemps resté confidentiel, la levée de ce moratoire n’a pas pour autant découragé la contestation. Le Treasure Karoo Action Group, qui se bat notamment pour protéger le Karoo, région semi-désertique aux écosystèmes uniques et fragiles, vient de relancer une pétition contre ces projets.

En Argentine, la décision du gouvernement d’exproprier la plus grande compagnie pétrolière du pays (YPF), jusqu’ici détenue par la multinationale espagnole Repsol, va de pair avec l’objectif de devenir un exportateur net d’hydrocarbures non conventionnels. Plusieurs gisements de pétrole et de gaz de schiste sont visés dans le bassin de Neuquen, une région où les communautés locales, notamment indigènes, ont déjà fortement été affectées par l’extraction de pétrole et gaz conventionnels. Total détient des permis sur place et YPF vient d’annoncer un rapprochement avec Gazprom pour exploiter ces gaz de schiste.

 

La contestation grandit en Nouvelle-Zélande et en Australie

De l’autre côté du Globe, de plus en plus de voix s’élèvent en Nouvelle-Zélande pour demander un moratoire sur la fracturation hydraulique qui est aujourd’hui pratiquée dans les régions de Taranaki et Waikato, suscitant des mobilisations locales. Chez le grand voisin australien, principalement l’objet d’exploration de gaz de couche (coal-seam gas) qui nécessite l’usage de la fracturation hydraulique pour être extrait de manière active, les protestations se multiplient.

Début septembre, ce sont 88 % des 15 000 votants de la ville de Lismore, région des Northern Rivers, qui ont dit « Non » à l’exploitation de ce gaz, lors d’une enquête scientifique. Pour l’organisation Lock the Gate, c’est la preuve que cette industrie ne dispose pas de « licence sociale ». Malgré ces résistances (voir cettevidéo), l’entreprise Santos vient d’annoncer être en passe de mettre sur le marché la première production commerciale de gaz de schiste extrait en Australie.

 

Le Québec, vers un moratoire ad vitam aeternam ?

Une situation ambivalente qui se retrouve en Amérique du Nord. Le nouveau gouvernement du Québec vientd’annoncer « un moratoire complet, tant sur l’exploration que sur l’exploitation du gaz de schiste ». Suite à une mobilisation citoyenne au Québec sans précédent (voir notre article), un moratoire était de fait entré en vigueur le temps de la rendue d’un rapport d’experts, attendu pour Octobre 2013.

Ce groupe d’experts avait même évacué toute possibilité de recourir à des expérimentations scientifiques, souhaitant s’appuyer sur les données déjà existantes, notamment celles des dix neuf puits déjà fracturés au Québec. Reste à savoir si ce moratoire sur la fracturation hydraulique sera étendu au pétrole, et donc aux projets de l’entreprise Junex sur l’île d’Anticosti, ce qui n’est pas encore assuré. Dans le Canada anglais, la Nouvelle-Ecosse a également décrété un moratoire de deux ans.

 

Les langues se délient aux Etats-Unis

Une situation qui contraste avec celle des Etats-Unis, où un million de puits ont été forés et deux millions de fracturations hydrauliques réalisées. Pourtant la situation est bien plus contrastée qu’on ne l’imagine. A ce jour, selon l’organisation Food & Water Watch, plus de 270 communes des Etats-Unis ont pris des mesures face à la fracturation hydraulique. Les Etats du New Jersey et de New York ont adopté un moratoire tandis que l’Etat du Vermont l’a interdite.

Par ailleurs, et ce dans l’attente de la publication d’ici la fin de l’année des premiers résultats d’une étude très attendue sur l’impact du gaz de schiste sur les eaux souterraines, l’Agence de protection de l’environnement (EPA) a timidement commencé à encadrer les activités des compagnies gazières, reconnaissant par là-même qu’il y avait un problème. Le tout a permis de briser un tabou et de délier les langues. Même l’économiste Paul Krugman y est allé de son édito critique. Considérant que le boom des pétroles et des gaz de schiste aux Etats-Unis était trompeur sur le plan économique, ne créant guère d’emplois, se développant au détriment de l’environnement et remplissant les poches de quelques gros industriels.

 

 

« Il existe un mouvement citoyen mondial contre la fracturation hydraulique»

Et loin de l’apathie généralisée qui peut coller à la peau de l’Américain, nombre de groupes locaux et organisations sont aujourd’hui mobilisées aux Etats-Unis contre les gaz et pétrole de schiste. S’appuyant sur les travaux de Josh Fox (Gasland et The sky is pink) ou sur leur propre expérience des conséquences locales de l’extraction des pétroles et gaz de schiste, ils multiplient les initiatives visant à interpeller l’opinion publique et les décideurs. La journée internationale d’actions du 22 septembre en est l’exemple même. Ce sont des dizaines d’actions qui vont se dérouler aux quatre coins des Etats-Unis, de la Pennsylvanie à la Californie en passant même par le Texas.

A l’image des Etats-Unis, cette journée mondiale d’actions n’est rien de moins que la mise en évidence qu’il existe un mouvement citoyen mondial contre la fracturation hydraulique, contre les gaz et pétrole de schiste. Certes, un mouvement international avec des vides puisque la Chine, l’Algérie ou la Tunisie ne seront pas de la partie. Néanmoins les 150 actions prévues dans près de 20 pays (Canada, Etats-Unis, Mexique, Argentine, Afrique du Sud, France, Espagne, Irlande, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, République Tchèque, Bulgarie, Roumanie, Australie…) illustre le caractère mondial de l’opposition à ces projets dévastateurs et, face à l’offensive sur le terrain et dans les médias des industries pétrolières et gazières. Une journée pour repousser avec force leur propagande.

 

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21/09/2012
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